La Ferme des énarques : les illusions perdues d’une ancienne élève

Par Eléonore de Vulpillières Publié le 02/09/2015 

FIGAROVOX/ESSAIS – Dans un essai acéré, Adeline Baldacchino livre un «réquisitoire positif» sur l’ENA, une école coupée du peuple et qui suscite de vives critiques. Tout est à réformer.


*La Ferme des énarques, Adeline Baldacchino, Michalon, 230 pages – parution le 3 septembre 2015 – 17€


«Il était une fois trois petits singes», celui qui se couvre les yeux, celui qui se bouche les oreilles, celui s’auto-bâillonne. Refuser de voir, d’entendre et de parler, une attitude adoptée à la lettre, à en croire l’essai incisif d’Adeline Baldacchino, par l’énarque moyen, qui a repris à son compte le slogan «Pas de vagues, mon vieux, pas de vagues» (une maxime que chacun résume en PDVMVPDV). En effet, celui-ci, traversé par la terreur de déplaire, a intériorisé l’autocensure devant l’autorité. Il cherche au maximum à maquiller une réalité déplaisante dans de beaux rapports bien rédigés, bien ficelés à défaut d’être réellement efficaces. Entre réunions interministérielles où des chiffres sans têtes sont bombardés en rafales et comités de crise Théodule qui ne règleront aucun des problèmes, on se souvient que de toute façon, le réel ne viendra qu’après la communication sur le réel.

Comment peut-on (encore) être énarque? C’est la question persane à laquelle entend répondre notre auteur, diplômée de l’ENA en 2009 et magistrat à la Cour des comptes, à la fois embarrassée de devoir se justifier d’une formation prestigieuse et désireuse de comprendre le désamour populaire croissant envers les énarques.

Elle part d’un constat simple: l’augmentation de la défiance populaire à l’égard des institutions politiques et administratives traditionnelles, ainsi que du vote Front national témoigne d’un délitement d’une élite qui ne parvient plus à trouver de réponse à une crise installée.

Le fossé grandissant entre administrés et administrateurs

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